Une Bataille Après l'Autre (2025)

Ce film est une catastrophe, à tous points de vue, vraiment.
Comme souvent, quand Hollywood prétend faire un film politique, on pressent instinctivement qu'il n'en sera rien, et qu'il s'agit plus d'un argument marketing que d'une sincère préoccupation sociale. Et sans surprise, on a encore affaire à un film dans lequel les personnages principaux, des "révolutionnaires", ne s'expriment qu'à travers le terrorisme, et ne parlent JAMAIS politique, où alors seulement de manière ridiculissime, et extrêmement binaire. A ce propos, le signe quasi égal qui est mis entre ces révolutionnaires et le camp d'en face (Penn et ses aventuriers de Noël) est franchement dégueulasse, dans la mesure où les chiffres des tueries montrent très clairement qui commet des attentats aux USA et, spoiler alert, ce ne sont pas les gauchistes, mais très, TRÈS largement l'extrême droite.

Les gens de gauche, en règle générale, y sont traités avec le plus grand des mépris : des obsédés sexuels, des inadaptés, des traîtres, des junkies, des terroristes sociopathes, et des pinailleurs, en plus. Tous irrécupérables. On ne sait même pas pourquoi ils se battent vraiment, au juste, ni ce qui a déclenché leur passage à l'acte. Et d'ailleurs, le réalisateur s'en fout éperdument : il est juste là pour montrer que "les extrêmes se rejoignent", comme on dit sur les plateaux télé. L'un des moments les plus détestables du film est probablement celui où Perfidia exécute sans le moindre état d'âme un travailleur (noir lui aussi, ce n'est pas un hasard) qui rampe à terre, blessé (bref, tout ce qu'adore faire les militants de la gauche révolutionnaire, c'est bien connu...)

De ce point de vue, ceux qui y ont vu un film """woke""" ont donc une épaisse couche de merde devant les yeux, car c'est clairement un film qu'on peut qualifier de "contre-révolutonnaire". Et l'une des meilleures preuves, c'est que tous les militants qui ont vu le film l'ont détesté : Bégaudeau l'a massacré dans Microciné, et on ne parlera pas de la rage qu'il a provoqué dans l'extrême gauche américaine, et notamment chez les militants afro-américains.

En effet, s'il s'agit là d'un film "politique", qui son message sert-il le mieux ? Qui, sinon le parti démocrate, jamais évoqué dans le film, mais dont il est le passager clandestin ? Le parti démocrate, tout aussi effrayé par le fascisme trumpiste que par sa propre jeunesse désillusionnée, qui se "radicalise", comme le hululent en chœur tous les JT. Et si elle se radicalise, cette jeunesse, c'est bien parce qu'elle voit qu'elle n'a absolument aucun avenir. La faute à qui ? A l'extrême gauche (qui dirige en secret les USA, sans doute), ou au parti démocrate, qui était la moitié du temps aux manettes ? Bref, Anderson signe donc là, sans l'ombre d'un doute, un épais tract pour les démocrates (tendance Hillary-Obama), doublé d'un réservoir infini de commentaires goguenards pour la "fine fleur" des plateaux de télé mainstream. Certainement pas le film "anticapitaliste" dont on fait des gorges chaudes, mais plutôt la vision rabougrie que se fait la bourgeoisie culturelle démocrate de l'activisme révolutionnaire. Une vision fortement teintée de maccarthysme...

Autre énorme éléphant dans la pièce, la manière dont les noirs (incarnés dans le personnage de Perfidia) sont ridiculisés, sexualisés, animalisés et finalement évacués du scénario au bout d'une demi-heure, pour n'y laisser essentiellement que des blancs (Willa étant l'exception, mais attendez de savoir de qui elle est la fille). La manière dont est traitée Perfidia charrie tous les clichés les plus racistes et sexistes qu'on puisse imaginer, et Anderson (lui-même marié à une afro-américaine) y évacue comme dans un égout ses propres refoulements racialistes. Précisons que, dans le bouquin de Thomas Pynchon, tout se passe dans des milieux composés exclusivement de blancs : ce sont donc bien les propres fantasmes d'Anderson auxquels on assiste, et qui semblent bien être les mêmes que ceux de Lockjaw/Sean Penn. Remarquez, en comparaison, comme sont traités les latinos dans le film (c'est à dire dignement) : c'est le jour et la nuit.

En regardant des interviews avec le réalisateur, on s'aperçoit qu'il n'avait même pas écrit de dialogues pour les deux actrices noires (deux rappeuses) qui dirigent le groupe du début, et qu'il a juste décidé de "leur laisser faire leur truc" : Le mépris. Imaginez qu'il traite comme ça des acteurs juifs, par exemple, pour imaginer la tonne de merde qu'il se serait alors pris sur le coin du crâne...

Et puis, cerise sur le McDo, à la toute fin, en bon démocrate modéré, on troque la lutte armée pour les inoffensives manifestations qu'on vomissait au début du film. C'est à dire qu'on renonce à changer les choses de façon déterminée pour adopter le fameux "dialogue social" apaisé qu'aiment tant les bourgeois, puisqu'ils n'ont absolument rien à en redouter. C'est vraiment un film tout ce qu'il y a de plus centriste, macroniste même, pour ne pas dire qu'il est franchement de droite. L'un des (soi-disant) plus grands réalisateurs du monde a finalement tombé le masque, et il a vraiment une sale gueule...